De la nécessité d’une non exploitation du pétrole au Togo

Le pétrole est une matière première, considérée, jusqu’ aujourd’hui, comme incontournable. A l’état brut, le pétrole se présente sous divers aspects à savoir le pétrole lourd et le bitume[1]. Force est de constater que la grande partie de l’économie mondiale repose en effet, sur cette ressource encore appelée « or noir ». Le pétrole a investi de nombreux secteurs allant de  l’énergie, à l’industrie, en passant, entre autres, par le transport. De ce fait, il constitue le moteur de l’économie. Cependant, l’utilisation du pétrole n’est pas sans conséquence sur les écosystèmes servant de support aux êtres vivants et à l’environnement. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les activités intensives de l’homme impliquant l’utilisation de pétrole ont pour effet de produire du gaz carbonique, estimé à près de 7.1 milliards de tonnes de carbone par an. Le gaz carbonique (CO2) rejeté dans l’atmosphère, comme les autres gaz à effet de serre, contribue au phénomène appelé « effet de serre » qui concourt au réchauffement climatique.

Le réchauffement climatique est responsable de la fonte des glaciers entraînant une augmentation du niveau des mers et des océans avec ses corollaires que sont les inondations, l’érosion côtière et l’intrusion d’eau salée dans les systèmes sensibles et vulnérables, les retards des pluies, la courte durée de la saison des pluies, les sécheresses, etc. Ces risques climatiques n’épargnent aucun pays au monde, y compris  le Togo.

Le Togo, situé en Afrique de l’Ouest en bordure du golfe de Guinée, a une superficie de 56 600 km2. Il est limité au nord par le Burkina Faso, à l’est par le Bénin, au sud par le golfe de Guinée et à l’ouest par le Ghana. La découverte du pétrole offshore togolais, selon les autorités, pourrait contribuer à booster le développement économique du pays. «Beaucoup de travaux d’exploration ont été menés en offshore depuis 1960 jusqu’à ce jour. Ces forages ont permis de mettre en évidence des indices. Mais aucun gisement de pétrole techniquement exploitable et économiquement viable n’a encore fait objet de découverte », a indiqué le ministre des mines et de l’énergie, Abli-Bidamon Dèdèriwè dans le quotidien jeune Afrique[2]. Cependant, tout porte à croire que le Togo  n’a pas officiellement résigné à poursuivre les travaux visant l’exploitation du pétrole. Au vu de ce que l’on sait sur l’exploitation du pétrole dans le monde, et qui est jalonnée de graves problèmes identifiés dans le Rapport final de la revue des Industries Extractives 2004 qui a mis en lumière des problèmes sociaux et environnementaux liés à l’exploitation du pétrole notamment la dégradation des écosystèmes marins, côtiers à forte valeur éco-systémique dans le Delta du Niger au Nigeria, il est impératif d’opposer une vigoureuse résistance à tout projet visant à exploiter le pétrole au Togo.

Avant toute chose, il est important de retracer l’histoire du pétrole dans le monde et préciser les raisons qui motivent que son exploitation n’intervienne jamais au Togo.

L’Histoire des combustibles fossiles

Les combustibles fossiles sont tous des sources d’énergie provenant du carbone. Aussi appelés hydrocarbures, ils sont essentiellement du charbon, du pétrole, du mazout, du kérosène, du gaz naturel et se sont formés à partir des restes de plantes et d’animaux morts qui se sont déposés au fond des océans et les confins de la croute terrestre. Selon l’encyclopédie Wikipédia,  l’histoire des combustibles fossiles a commencé en 3490 av. J.-C. en Chine, avec des preuves de l’exploitation minière de surface et de l’utilisation domestique du charbon[3]. Au fil du temps, l’utilisation croissante du charbon a réduit sa disponibilité à la surface de la terre. Ainsi, les mineurs de charbon ont commencé à creuser sous la terre et à générer des mines de charbon dans le monde. Il convient de noter que l’extraction du charbon a pris de l’ampleur durant la révolution industrielle qui a commencé en Grande-Bretagne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, principalement pour alimenter les machines à vapeur, chauffer les bâtiments et produire de l’électricité. En effet, le charbon a remplacé le bois de chauffage et, de manière générale, l’utilisation de combustibles fossiles a permis un développement industriel à grande échelle. Elle a largement supplanté les usines à eau, ainsi que la combustion du bois ou de la tourbe.

Malgré tous ces atouts pour l’économie des pays, l’exploitation du pétrole soulève des polémiques d’ordre environnemental et sociétal, lesquelles mettent en exergue les limites des énergies fossiles.

Les Limites des combustibles fossiles

Bernard Multon, dans son document intitulé «L’énergie sur la terre : analyse des ressources et de la consommation, La place de l’énergie électrique», publié en 2012, affirmait : «les combustibles fossiles fournissent plus de 80% de l’énergie consommée par les pays industrialisés». En effet, pendant longtemps, les projets de combustibles fossiles dans le monde ont généré des revenus importants pour les sociétés pétrolières, les consortiums et les gouvernements. En fait, la production pétrolière a généré des milliers de milliards de dollars américains dans les économies productrices de pétrole. Cependant, la dépendance au pétrole a entraîné des problèmes de viabilité de l’environnement, et de santé humaine, de corruption et de répartition inégale de la richesse dans les pays producteurs de pétrole, ce qui pèse davantage sur l’économie des pays. De plus, bien que de nouveaux gisements continuent d’être découverts, les réserves des principaux combustibles fossiles restant sur terre sont limitées. Par ailleurs, la combustion des combustibles fossiles par les humains est la principale source d’émissions de dioxyde de carbone, un gaz à fort potentiel de réchauffement climatique.

Au vu de ces limites, il devient impératif de mobiliser les communautés riveraines, les organisations de la société civile, les corporations de travailleurs des zones pétrolières autour de la question pour stopper tout projet d’exploitation du pétrole au Togo.

Pourquoi stopper le projet d’exploitation de pétrole?

Il est prouvé que le niveau de CO2 dans l’atmosphère a augmenté depuis la révolution industrielle. Le cinquième rapport d’évaluation du GIEC a démontré, sans équivoque, une augmentation du taux de CO2 qui a atteint des niveaux sans précédent depuis 800 000 ans. Selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), les concentrations respectives de GES étaient de 393 ppm, 1 819 ppm et 325 ppm, et dépassaient les niveaux préindustriels (avant 1750) d’environ 41%, 160% et 20%, respectivement. Plus alarmant encore, l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique entre 2011 et 2012 est supérieure à la moyenne calculée au cours des dix dernières années. Comme ces températures ne sont pas compatibles avec la vie humaine et que l’avenir de l’humanité semble compromis, il est impératif de limiter les émissions de gaz à effet de serre qui nuisent gravement aux systèmes biologiques et à la terre dans son ensemble. En outre, l’incident du pétrolier maltais Erika, le 12 décembre 1999, est un symbole des catastrophes des grandes marées noires. Les 31 000 tonnes de pétrole rejetées au large des côtes Loire-Atlantique par ledit pétrolier, ont eu pour conséquence des vagues successives de pollution qui ont souillé 400 kilomètres de côtes. Selon une estimation de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), plus de 300 000 oiseaux marins hibernant dans le golfe de Gascogne seraient morts[4].

Il est donc nécessaire de trouver une alternative aux énergies sales, en particulier au  pétrole, qui pourrait faire l’objet d’une exploitation au Togo, ceci, afin de préserver les écosystèmes et protéger les communautés riveraines.

Pourquoi arrêter de nouveaux projets de combustibles fossiles au Togo est-il légitime?

Le slogan « Arrêter les projets de combustibles fossiles » doit être appliqué au Togo; un pays qui est partie à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et qui a ratifié le nouvel accord de Paris et les objectifs de l’ONU pour un monde plus durable. Le Togo est l’un des principaux pays mettant en œuvre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Le pays communique, chaque année, depuis l’adoption des ODD en 2015, aux Nations Unies sur ses efforts sur la mise en œuvre des objectifs en question.

Le nouveau plan de développement du Togo nommé Plan national de Développement (2018-2022) a mis un accent sur la transition du pays vers d’autres sources d’énergie. Cependant, il y a un petit nuage dans l’atmosphère car, le Togo a engagé, en 2010, une compagnie pétrolière italienne, en l’espèce, Eni pour explorer les réserves de pétrole offshore du pays. Les travaux d’exploration ont été exécutés après une étude d’impact environnemental et social menée en 2012. Les résultats de cette exploration ont mis en évidence une bonne quantité de pétrole dans le fond marin. En examinant les impacts potentiels de l’exploitation et de l’extraction pétrolière dans la plupart des pays du monde et en considérant les cadres politiques, juridiques institutionnels internationaux et nationaux (à l’instar de la contribution déterminée au niveau national dans le cadre de la CCNUCC) actuels du  pays, le Togo risque d’aller contre les engagements qu’il s’est donnés. L’extraction du pétrole en mer pourrait avoir des effets dévastateurs sur la pêche togolaise, les ressources en eau, les mangroves et les zones humides, ainsi que sur les systèmes vitaux de subsistance d’un demi-million de personnes vivant dans la zone côtière .Il convient de rappeler que cette zone est une importante source de revenus économiques pour le pays. Des points de vue social et sanitaire, les populations riveraines du littoral seraient plus exposées aux maladies cardiovasculaires et respiratoires en raison de la combustion d’huile provenant de toutes les phases d’extraction du pétrole si la plate-forme venait à être installée en mer.

À la lumière de ces externalités négatives graves, le pays doit opter pour des sources d’énergie durables afin de prévenir les pertes et les dommages qu’occasionnerait la  décision d’aller vers l’exploitation du pétrole. Cette décision compromettrait  les efforts de développement réalisés par le pays, conformément à l’Agenda 2030 auquel le pays s’est engagé, qui prône un monde exempt de combustibles fossiles et qui promeut des sociétés plus résilientes au changement climatique. Une mobilisation plus grande de tous les acteurs de développement à réorienter le secteur énergétique est donc de mise.

[1] http://samuel.benoit.online.fr/fr/petrole-formation-gisements-roche-mere-kerogene-brut-lourds-non-conventionnels-sables-bitumineux-baril

[2] http://www.jeuneafrique.com/509250/economie/le-togo-exportateur-de-petrole-quand-une-bourde-de-la-banque-de-france-rallume-les-rumeurs/

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_p%C3%A9trole

[4] https://www.lpo.fr/catastrophes-et-marees-noires/1999-lerika

M’koumfida Bagbohouna
 

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